Une pratique autorisée ?
L’enregistrement de conversations téléphoniques dans un objectif de preuve de formation d’un contrat semble autorisé, sous réserve néanmoins d’être nécessaire, selon les précisions apportées par la Cnil.
Cela signifie, qu’un responsable de traitement, s’il souhaite enregistrer une conversation téléphonique à des fins probatoires de la conclusion d’un contrat, doit démontrer qu’il n’avait pas d’autre moyen pour arriver à cette fin.
Attention, cela signifie également que les contrats dont l’accord doit se matérialiser à l’écrit ne bénéficient pas de cette alternative d'enregistrement à titre probatoire.
En effet, pour ce type de contrat, l'enregistrement n'est pas nécessaire pour établir la preuve de la conclusion du contrat. Cette preuve doit émaner de la production des documents imposés par la loi (par exemple, un acte sous seing privé).
Est-ce une possibilité offerte à tous les contrats oraux ?
En principe, la possibilité d’enregistrer les conversations téléphoniques à des fins probatoires de la conclusion du contrat semble opérante pour les contrats formés par voie orale.
Néanmoins, il faut apporter quelques précisions ;
Le principe de minimisation continue de s’appliquer. De ce fait, et sauf dispositions légales le permettant, les enregistrements ne peuvent être ni permanents ni systématiques.
Enfin, seule la conversation portant sur la conclusion du contrat par voie téléphonique peut être conservée. Ainsi, le professionnel devra s’assurer de n’enregistrer qu’à compter du moment où la conversation porte sur la conclusion du contrat. De ce fait, aucun mécanisme automatique d’enregistrement par défaut ne semble être autorisé.
La CNIL le précise : « Concrètement, le téléopérateur pourrait notamment déclencher manuellement l’enregistrement, uniquement dans le cas où la conversation a pour objet de conclure un contrat ne pouvant être prouvé par un autre moyen. »
Pour finir, il ne faut pas confondre : contrats conclus par voie orale et contrats dont la formation a débutée par voie orale mais qui sont conclus suite à acceptation et signature du contrat reçu par écrit.
En effet, si dans le premier cas l’enregistrement de la conversation téléphonique est opérante ce n’est pas le cas du second puisque le responsable de traitement bénéficie d’un écrit comme preuve de la conclusion du contrat.
Or, les conditions pour bénéficier de la possibilité de l’enregistrement des conversations téléphoniques à titre de preuve de la conclusion d’un contrat sont limitées au fait de ne pas bénéficier d’un autre mode de preuve.
Par exemple :
Le démarchage téléphonique : le code de la consommation (article L. 221-16 ) précise bien que dans cette hypothèse le consommateur n’est engagé qu’après avoir signé et acceptée sur support durable l’offre. L’enregistrement de la conversation téléphonique à des fins de preuve de la formation du contrat n’est donc pas nécessaire et par conséquent, pas possible.
RGPD et enregistrement à titre de preuve de formation d’un contrat
L'enregistrement d'une voix permet l'identification de cette personne ce qui constitue un traitement de données à caractère personnel.
Ainsi, la réglementation sur la protection des données à caractère personnel s'applique.
Dastra a également créé un modèle de traitement sur l'écoute et l'enregistrement ponctuel des conversations téléphoniques sur le lieu de travail
Traitement fondé sur l’exécution du contrat
En situation d'accord des personnes concernées pour la conclusion du contrat par voie orale, les conversations téléphoniques enregistrées peuvent être traitées sur la base légale du contrat.
Cela signifie qu'il faut avoir informé les personnes concernées, lorsque c'est possible, de conclure le contrat par un autre moyen tel que par voie postale ou en agence...
Le critère de nécessité sera alors retenu. En effet, cette information est indispensable, au sens de la CNIL, afin que l'enregistrement soit considéré comme nécessaire au contrat.
La CNIL prévoit également un point d'attention, la collecte des données bancaires :
Lors de la souscription à un contrat par téléphone, les consommateurs peuvent être amenés à communiquer des données bancaires (numéro de la carte, date d’expiration et cryptogramme visuel) qui sont parfois enregistrées comme l’ensemble de la conversation téléphonique des conseillers clientèles.
Lorsque ces données bancaires sont, par ailleurs, saisies par les conseillers dans une plateforme de paiement sécurisé, l’enregistrement téléphonique de ces données n’est pas nécessaire à la bonne exécution du paiement.
La CNIL recommande donc la mise en place d’un dispositif permettant d’interrompre ou de supprimer rapidement l’enregistrement de la conversation téléphonique au moment où le consommateur prononce ces données.
Enregistrements prévus par la loi :
La CNIL a fourni 2 exemples à titre d'illustration d'enregistrements prévus par la loi :
L’article L. 533-10-5 du code monétaire et financier | L’article L. 122-2-2 du code des assurances |
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Impose aux prestataires de services d'investissement de conserver un enregistrement des transactions qu'ils effectuent, afin de permettre à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de contrôler le respect de leurs obligations, en particulier à l'égard de leurs clients | Impose aux distributeurs d'assurances le respect d’obligations en matière de démarchage, parmi lesquelles, l’enregistrement, la conservation et la garantie de la traçabilité de leurs communications téléphoniques. Ces enregistrements permettent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi qu’à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de contrôler le respect des obligations incombant aux démarcheurs, notamment en matière d’information des clients. Le décret n° 2022-34 du 17 janvier 2022 relatif au démarchage téléphonique en assurance prévoit les modalités de conservation de ces enregistrements |
Comment protéger les droits des personnes ?
Les éléments essentiels d'une bonne gestion des données et pour assurer un niveau suffisant de sécurité sont rappelés par la CNIL, le professionnel devra notamment :
- Informer les personnes concernées sur l'existence du traitement, l'identité du responsable de traitement, les finalités de ce traitement, etc comme l'indique l'article 13 du RGPD
- Sécuriser les données par la mise en place de mesure de sécurité mais également en limitant l’accès aux personnes habilitées, qui devront permettre la traçabilité informatique
- Limiter la durée de conservation des enregistrements téléphoniques ou encore prévoir une politique d’archivage et de purge conformément aux durées de prescription de l’action en contestation du contrat prévues par la loi.
Découvrez La journalisation comme mesure de sécurité des données