La Cour de Justice de l'Union européenne a rendu un arrêt important concernant l'application du principe « ne bis in idem » dans le cadre des sanctions administratives et pénales. Elle a abordé trois questions clés.
📌 FOCUS - Le principe « ne bis in idem » est un concept juridique qui signifie « pas deux fois pour la même chose » en latin. Il s'agit d'un principe fondamental du droit qui interdit de poursuivre ou de sanctionner une personne deux fois pour les mêmes actes ou les mêmes infractions. En d'autres termes, une fois qu'une personne a été jugée et condamnée (ou acquittée) pour un crime ou une infraction particulière, elle ne peut pas être poursuivie à nouveau pour les mêmes faits dans le même système juridique.
Récapitulatif des faits
Dans cette affaire, l'Autorité italienne de la concurrence et du marché (AGCM) a infligé une amende de cinq millions d'euros à Volkswagen Group Italia (VWGI) et à Volkswagen AG (VWAG) pour avoir mis en œuvre des pratiques commerciales déloyales liées à la commercialisation de véhicules diesel en Italie. Ces véhicules étaient équipés d'un logiciel permettant de fausser les mesures d'émissions polluantes lors des contrôles réglementaires.
Pendant que ce litige était en cours en Italie, le parquet de Braunschweig en Allemagne a infligé à VWAG une amende d'un milliard d'euros pour des violations similaires liées à la manipulation des émissions de gaz d'échappement de certains moteurs diesel du groupe Volkswagen. Cette décision allemande est devenue définitive après que VWAG ait payé l'amende et renoncé à faire appel.
VWGI et VWAG ont fait valoir que la décision italienne violait le principe ne bis in idem, selon lequel une personne ne peut être poursuivie ou sanctionnée deux fois pour les mêmes faits. Ils ont fait appel de la décision italienne, et la juridiction italienne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour déterminer si le principe ne bis in idem s'applique dans ce cas.
Nature des sanctions administratives
La CJUE a considéré que les amendes administratives pécuniaires, bien que qualifiées de sanctions administratives, peuvent être considérées comme des sanctions pénales si elles poursuivent une finalité répressive et sont sévères.
Cela signifie qu'une personne ou une entreprise ne pourra pas être poursuivie une seconde fois sur la base de poursuites administratives pour les mêmes faits déjà sanctionnés pénalement, par une amende administrative pécuniaire.
Interdiction du double jugement
Afin que le principe s'applique, il faut qu'il existe une décision antérieure définitive. Cela signifie que la décision précédente doit être devenue définitive, et elle doit avoir été rendue après avoir examiné le fond de l'affaire.
De plus, les mêmes faits doivent être visés par la décision antérieure et par les poursuites ou les décisions postérieures. En d'autres termes, il doit s'agir de la même infraction ou du même comportement.
La Cour de justice a souligné que l'application de ce principe n'est pas limitée aux situations où les décisions ultérieures sont prises après la décision antérieure. Si une décision de nature pénale est devenue définitive, peu importe quand et dans quel État cela s'est produit, cela peut empêcher toute nouvelle poursuite pénale pour les mêmes faits, même si la décision antérieure était postérieure dans le temps.
Cela signifie que si une même entreprise est poursuivie pour les mêmes faits dans deux États, dès lors qu'elle a été condamnée définitivement par un État, le second doit abandonner les poursuites sur le fondement du principe « ne bis in idem ».
Limitation du principe « ne bis in idem »
Les juges rappellent que l'article 52.1 de la Charte des droits fondamentaux autorise la limitation du principe, à condition que trois conditions soient remplies :
- Le cumul de procédures ou de sanctions ne doit pas représenter une charge excessive pour la personne concernée.
- Il doit exister des règles claires et précises permettant de prévoir quels actes et omissions peuvent faire l'objet d'un cumul de procédures ou de sanctions.
- Les procédures en question doivent être menées de manière suffisamment coordonnée et rapprochée dans le temps.
La Cour souligne que les autorités publiques peuvent légitimement choisir de répondre à certains comportements nuisibles en combinant différentes procédures, à condition que cela ne crée pas une charge excessive pour la personne en cause. De plus, la coordination entre ces procédures est essentielle pour garantir que le cumul de sanctions soit strictement nécessaire.
Conclusion
Cette décision revêt une grande importance dans le domaine de la justice transfrontalière et de la coopération judiciaire au sein de l'Union européenne. Elle vise à garantir la protection des droits fondamentaux des individus et des entreprises tout en permettant aux autorités de poursuivre efficacement les comportements nuisibles. En fin de compte, elle contribue à renforcer la confiance dans le système juridique de l'UE en assurant une application équitable et proportionnée de la loi.