Les salariés sont de plus en plus concernés par la protection de leur vie privée et particulièrement de leurs données personnelles. Les employeurs ont ainsi une responsabilité accrue et sont soumis à une obligation de secret professionnel et au respect du règlement général de protection des données (RGPD). Ils ne peuvent donner d’information à caractère secret, sous peine de voir leur responsabilité engagée.
Toutefois, le droit à la protection des données personnelles n'est pas absolu, c'est la leçon qu'il faudra retenir de cette affaire opposant une salariée à son ancien employeur, lequel a été contraint de communiquer des bulletins de salaires de ses employés.
Rappel des faits
Cette affaire concernait une salariée qui a occupé le poste de responsable projets transverses dérivés (chief operating officer ou COO) avant d'être nommée, en 2017, directrice stratégie et projets groupe. Elle a ensuite été licenciée en 2019.
Elle considérait toutefois avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé des postes comparables de COO. Sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, elle a alors saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir la communication d'éléments de comparaison, en l’occurrence les bulletins de paie de ses collègues masculins.
Balance et proportionnalité
Deux droits s’opposent et se confrontent : le respect de la vie personnelle (ici, les bulletins de paie contenant des données personnelles) et le droit à la preuve de l’article 145 du Code de procédure civile.
En l’espèce, La Cour d’appel avait autorisé la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché. En revanche, elle avait restreint le périmètre de la production de pièces sollicitées, occultant ainsi les données personnelles des bulletins de paie à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
Validant la décision de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation rappelle qu’aux termes du point (4) de l’introduction du RGPD, le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.
En outre, le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, afin de présenter des éléments laissant présumer l'existence de l'inégalité salariale alléguée entre elle et certains de ses collègues masculins, la salariée était bien fondée à obtenir la communication desdits bulletins de salaires.
Le 8 mars étant la journée du droit des femmes, la Cour a validé le fait que, bien que cette communication porte atteinte à la vie personnelle, celle-ci était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée à la défense de l'intérêt légitime de la salariée à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
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